Jour 6 : mercredi 19 juin 2024
Notre journée commence au village de Zonza, classé parmi les plus beaux villages de Corse. Niché à 700 mètres d’altitude, le village s'étend entre les majestueuses Aiguilles de Bavella et le bord de mer, jusqu’au golfe de Pinarello et ses plages. Sa municipalité englobe plusieurs hameaux pittoresques, comme Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio, Taglio Rosso et Baca. Zonza, construit au XVIIᵉ siècle, conserve une âme profondément ancrée dans ses traditions : la polyculture, la vigne et l’élevage de chèvres et de moutons ont façonné son économie. Sans oublier son riche patrimoine forestier, avec la gigantesque forêt de l’Ospédale à proximité. Nous choisissons de visiter la partie montagnarde, la plus authentique. |
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Flânant dans ses ruelles paisibles bordées de maisons en pierre, nous profitons du panorama sur les sommets environnants. Lors de notre balade, je m’arrête dans une boutique pour acheter des canistrelli, ces délicieux biscuits croquants agrémentés d’amandes entières. Ensuite, nous nous installons dans un petit bar, le temps d’un café chaud et de manger quelques canistrelli, un vrai régal ! |
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Après cette pause, nous reprenons la route vers les cascades de Polischellu. La route serpente à travers la forêt. A notre arrivée, le GPS indique la fin du trajet, mais... le parking est barré par des gros cailloux. Nous avançons donc plus loin et nous trouvons un autre parking. À l’entrée du parking, une dame s’approche de notre voiture. Karine, baisse la vitre. La dame, nous demande : — Vous venez pourquoi ? Et là, dans un élan de spontanéité, Karine lui répond : — On vient pour randé aux cascades ! Un silence d’une seconde, puis… un grand sourire illumine le visage de la dame. Quant à moi, je me retiens d’éclater de rire. Karine, la regarde et la dame nous explique que l’accès aux cascades est fermé et qu’il faut un guide pour explorer cette zone. Nous décidons de rebrousser chemin. Karine referme la fenêtre, démarre, puis soudain s’exclame : — J’ai dit randé au lieu de randonner ?!? Nous explosons de rire, ce genre de fou rire qui vous prend par surprise et ne veut plus s’arrêter. C’est un rien, vraiment, une simple erreur de langage. Mais dans ce contexte, la forêt, la voiture, la dame au sourire indulgent, ce petit lapsus prend une saveur particulière. Je vous jure, tout est sous contrôle… sauf peut-être le langage ! Ce "randé" inattendu devient le mot-clé de notre journée, un souvenir à raconter et à sourire encore longtemps après. Après cette parenthèse cocasse, nous poursuivrons notre route. Après quelques kilomètres, nous garons la voiture et nous partons en balade. Devant nous se dresse un tableau de fond à couper le souffle : les majestueuses Aiguilles de Bavella. Ce massif emblématique de la montagne corse attire immédiatement le regard avec ses pics acérés qui semblent griffonner le ciel. Sculptées par le temps et les éléments, les Aiguilles se composent de sept tours naturelles, chacune portant un nom évocateur : - La Punta di l’Acellu (1 588 mètres), - La Punta di l’Ariettu (1 591 mètres), - La Punta di a Vacca (1 611 mètres), - La Punta u Pargulu (1 780 mètres), - La Punta Longa (1 830 mètres), - La Punta Alta (1 850 mètres), - Et enfin, la Punta Lola (1 840 mètres). Ces formations rocheuses, étaient autrefois les frontières entre la Corse du Nord et la Corse du Sud. Les Aiguilles sont traversées par le célèbre GR20, un sentier mythique pour les randonneurs du monde entier. Nous marchons tranquillement, le regard souvent levé pour scruter chaque détail des parois. |
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Après avoir laissé derrière nous les majestueuses Aiguilles de Bavella, nous prenons la route en direction de la forêt de l’Ospedale. Son nom, « Ospedale » ou « U Spidali », tire son origine d’un ancien hôpital qui s’y trouvait autrefois. Depuis le XVe siècle, le village éponyme servait de refuge pour les voyageurs et les bergers en transhumance. À cette époque, les plaines étaient infestées de moustiques à cause des marécages, et les risques de paludisme rendaient la vie difficile. Ainsi, les hauteurs de l’Ospedale étaient une oasis de fraîcheur et de santé. En 1979, un barrage a été construit pour résoudre les problèmes d’approvisionnement en eau potable. Ce projet a donné naissance à un lac artificiel, désormais cœur battant de ce paysage enchanteur. La route pour atteindre la forêt est belle. Les arbres se succèdent à perte de vue. La forêt, qui s’étend sur 733 hectares, est un mélange de pins lariccio, de hêtres, et de maquis typique de l’île. Nous trouvons un endroit parfait pour notre pique-nique, au bord du lac de l’Ospedale. Ce lac artificiel, situé à 900 mètres d’altitude, est entouré de montagnes rocheuses qui semblent veiller sur lui. Au printemps, son volume peut atteindre 3 millions de mètres cubes d’eau, alimentant en eau potable toute la région, y compris Porto-Vecchio. Assises au bord de l’eau, l’endroit est parfait. Le paysage est digne d’une carte postale. « Elle n’est pas belle, notre table du jour ? ». Je contemple le sommet qui se dresse face à nous. Puis, je me tourne vers Karine, désignant le sommet : - La vue doit être splendide, là-haut, tu ne trouves pas ? Karine lève les yeux vers le sommet en question, puis en souriant elle me dit : - Ça suffit ! Elle sait que j’ai toujours envie de tout voir… Sur le moment, nous ne nous doutons pas que le fameux sommet en question sera notre destination de l’après-midi. Tout est sous contrôle !!! |
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Après notre repas au bord du lac d’Ospedale, nous décidons de continuer notre aventure avec une randonnée à la Punta di a Vacca Morta, un sommet au nom surprenant « La Pointe de la Vache Morte ». Le sentier débute au col de Mela, au croisement du fameux sentier Mare a Mare Sud. Nous garons la voiture et commençons à marcher, empruntant une piste forestière qui nous guide à travers la montagne. L’ascension se fait tranquillement au début, mais la chaleur monte rapidement, et avec elle, l’effort. Karine, presque arrivée au sommet, commence à ressentir un petit coup de chaud. Elle devient rouge comme une tomate, mais pas de panique, tout est sous contrôle ! Nous nous arrêtons un instant pour qu’elle se repose, qu’elle se rafraîchisse le visage avec un peu d’eau. Après quelques respirations profondes, elle est prête à repartir. Rien ne peut nous arrêter ! Nous poursuivons donc l'ascension. Arrivées à un premier plateau le marquage a mystérieusement disparu, et nous nous retrouvons à grimper à travers une végétation dense, en plein cœur de la forêt. Plus de repères, plus de balises, mais, comme toujours, tout est sous contrôle ! Nous avançons et nous parvenons à atteindre le sommet de la Punta di a Vacca Morta. Le ciel est un peu couvert, mais la vue à 360 degrés sur le barrage, la baie de Porto-Vecchio et le massif de l'Alta Rocca est impressionnante. Mais ? Nous réalisons que c’est bien le fameux sommet dont je parlais plus tôt pendant notre pique-nique. Nous éclatons de rire, une vraie aventure où tout est sous contrôle. |
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Nous entamons ensuite la descente. Nous avons mal calculé notre ration d’eau, et au fur et à mesure que nous redescendons, la soif se fait de plus en plus pressante. Mais là encore, tout est sous contrôle. Arrivées en bas, nous faisons une pause dans la petite auberge du coin. Nous buvons un verre ça fait du bien. |
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Nous retournons à la voiture. Leika à peine montée dans la voiture, se laisse tomber dans un sommeil profond, la tête posée sur ses pattes. Nous reprenons la route en direction de notre prochaine étape : les piscines naturelles. |
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En chemin, un panorama saisissant nous pousse à marquer un arrêt. Une courte balade nous permet de nous imprégner de la grandeur de la nature environnante, avant de reprendre notre trajet. |
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En fin d’après-midi, nous atteignons les piscines naturelles, situées près de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, au cœur de la vallée du Cavu. Le lieu, entouré par le parc naturel régional de Corse, se révèle un joyau préservé. La rivière Cavu, qui prend sa source dans le massif des aiguilles de Bavella, serpente dans ce cadre enchanteur avant de se jeter dans la mer. Les trois vasques reliées par des cascades, avec leur eau turquoise cristalline, composent un décor magique. Une fois garés, nous empruntons le sentier menant à la rivière. Croisant plusieurs groupes sur le chemin du retour, nous avons la surprise et le plaisir de découvrir les piscines désertées à notre arrivée. Le lieu nous appartient, c’est top !! Nous nous baignons et l’eau est bonne, savourant ce moment hors du temps après une journée riche en découvertes. |
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Lorsque la nuit commence à tomber, nous quittons les piscines naturelles du Cavu. Une fois dans la voiture, nous prenons la direction de Porto-Vecchio, une station balnéaire à l’est de la Corse du Sud, imprégnée d’histoire et de charme.Porto-Vecchio, dont les origines remontent à l’Antiquité grecque, est devenue un centre prospère sous les Génois au XVIe siècle. Sa citadelle, fièrement perchée, témoigne de ce riche passé. Nous déambulons dans les ruelles de la vieille ville, on y découvre la porte génoise, des boutiques, une chapelle... |
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Après cette balade nocturne, nous nous installons dans un restaurant de la place centrale, près de l’église Saint-Jean-Baptiste. L’ambiance est conviviale et chaleureuse. Karine opte pour une pizza végétarienne, tandis que je savoure une pizza locale, garnie de brocciu et de figatelli, des spécialités emblématiques de la Corse. Le brocciu est un fromage Corse à base de lait de brebis de race corse et/ou de lait de chèvre. Ce fromage est très apprécié des Corses qui le désignent comme leur « fromage national ». « Qui n'en a pas goûté ne connaît pas l'Île » écrivait déjà Émile Bergerat à la fin du XIXe siècle. La figatelli quant à elle est l’emblème de la charcuterie corse, faite avec du foie de porc. La soirée est magnifiée par des chants corses sur la place. Ces polyphonies a capella, mêlant a siconda, u bassu et a terza, résonnaient dans l’air chaud de la nuit, portant en elles la joie, la peine et l’histoire de l’île. Ces chants, nourris d’influences variées, offrent un spectacle intime et émouvant. Les chanteurs sont talentueux. |
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Après cette parenthèse enchantée, nous reprenons la route vers notre logement à Porto Pollo. Malgré l’heure tardive, la chaleur persiste, avec 32 °C affichés au thermomètre. Et c’est vers 1 heures du matin que nous arrivons au chalet prêtes à plonger dans un sommeil bien mérité. |
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